L'image
d'un jour particulier aux équilibres fragiles, entre vide et
plénitude. Une certaine harmonie règne à cet instant,
perceptible entre le temps, la lumière et l'espace. Une vibration
de l'air où l'on se sent un peu mieux, quelques secondes. Tout
ici semble être l'expression d'une liberté, mais c'est
aussi celle de la solitude. Les autres, les grands, sont ailleurs entièrement
tournés vers leurs occupations qu'ils ne partagent pas toujours.
Parce qu'ici, lorsqu'on est enfant, il y a le monde des grands et celui
des petits. Plus tard, la mémoire aura du mal à se souvenir
de ces instants de grâce, elle n'aura retenu que l'abandon.
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Là-bas,
c'est tout le contraire. On est rarement seul, même si l'on est
très pauvre, malade ou fou. À nous qui sommes si souvent
seuls dans notre société dite " avancée ", il est
assez difficile d'imaginer cette appartenance à un groupe de
cette importance. Partage des biens, des tâches, des soucis, du
temps. Partage quotidien de génération en génération,
sentiment naturel du partage. Là-bas, l'effort n'est pas de partager,
l'effort est dans la rareté des moyens, dans le presque rien
à partager. Pourtant, si jusque-là le groupe était
fort, les temps modernes risquent de changer cet équilibre. La
tendance est à la force solitaire et au chacun pour soi...
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Ici, être un vieux
autorise un sentiment de fierté. Si le temps a un peu usé
les forces de cet homme, il n'a pas dévalué sa parole
et son regard. Au contraire, le temps a façonné un être
dont il ne vient plus à l'idée de personne de discuter
la pensée. On lui reconnaît une sagesse rassurante vers
laquelle tout converge. Lorsque cela va mal, c'est lui qui apaise les
esprits, lorsque cela va bien, il est le garant de cette harmonie. Ici,
on dit que l'âge est un " diplôme ", ce qui veut dire aussi
que la jeunesse doit savoir attendre son tour !
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Là-bas,
il en est autrement. L'âge est une usure. Ce qui fait les forces
de la vie semble s'être éloigné. La solitude s'installe,
pas forcément désespérante, mais le temps devient
long tout de même. Le progrès est inutile, d'ailleurs il
arrive trop tard. Au contraire, ce sont les souvenirs et les objets
d'antan qui rassurent. L'espace se vide petit à petit, le temps
de l'accumulation est fini. Doucement l'essentiel se précise
jusqu'au point final...
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