Ici,
la faim est une habitude parmi les autres. On va à sa tâche
du moment, comme tout le monde, le ventre souvent creux. Et puis l'occasion
se présente de manger, comme ça, sans y avoir beaucoup
pensé. Alors commence une belle histoire intérieure,
à l'instant où notre corps reçoit une attention
qu'il n'attendait plus. Une histoire qui raconte que les grisailles
du monde s'éloignent un temps au-delà de l'horizon trop
proche. Afin que le rêve dure encore un peu, on prend son temps.
Doux instants qui font briller les yeux.
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Là-bas,
lorsque l'on est enfant, manger passe pour du temps perdu, un temps
pendant lequel on aurait pu s'évader de l'univers des grands
et peut-être même faire des bêtises. Mais après
la faim, qui n'est qu'un ennui passager, une petite gourmandise rien
que pour soi, c'est aussi une façon de s'échapper, de
s'offrir un détour que l'on ne partage pas.
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Ce qui est rassurant en ce monde parfois
désespérant, c'est le sens universel de certains signes
presque imperceptibles qui expriment quelques-uns des aspects les
plus agréables de notre vie: la séduction, le bonheur,
la tendresse, l'amour !
Ici, comme dans les lieux les plus reculés
du monde, une jeune fille jette sur les hommes de son entourage, ce
regard qui donne la fièvre à ceux qui le croisent. Il
est pourtant très difficile à l'étranger qui
passe de surprendre les signes impudiques d'un amour naissant, tant
ils sont proches du secret absolu.
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Là-bas, c'est aussi par le regard
que commencent les histoires d'amour. Mais la vie va si vite, que
la prudence a parfois pris le dessus sur ce qui semblait être
une liberté. Le travail rare, l'avenir incertain, les ruptures
presque inévitables, le sida... Autant de freins imperceptibles
à cet élan, que l'on ressent pourtant quand les regards
se croisent. Alors l'histoire qui s'engage à cette seconde
sera souvent sans lendemain prévisible, sans projet lointain,
simple comme le jour levant
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