L'Exposition. Reflets de lune 12 / 13


LE FORGERON

 
 

Ici, les hommes qui travaillent le fer et le feu sont infiniment respectés. On prête des pouvoirs magiques aux forgerons, ce qui les rend un peu inquiétants. Ce sont des modèles que l'on vient voir travailler, espérant un jour atteindre ces pouvoirs-là. Ce qu'ils savent n'est pas dans les livres et n'est pas disciple qui veut. Il faut être accepté par le maître et ne jamais lui déplaire. Du morceau de fer informe qu'il martèle d'un geste savant, naîtra la perfection qu'il avait imaginée. Longtemps on le regarde en silence, comme l'on écoute une musique sacrée…

Là-bas, il n'y a plus beaucoup de spectateurs pour encourager le dur travail du forgeron. Jadis, il était l'un des personnages importants du village. C'est lui qui réparait les roues des charrettes, ou le socle des charrues. Sans lui tout se serait vite arrêté à la première casse venue. Aujourd'hui l'ère de la consommation a rendu ce savoir faire désuet et le forgeron est de plus en plus rare à faire sonner son enclume au cœur des villages de France. Les machines ont depuis longtemps remplacé son bras, mais pas son talent qui n'appartient qu'à lui et a besoin d'une âme pour exister. Il sait qu'aujourd'hui on jette et que l'on ne répare presque plus.

MATINS DE FILLES
 
 

Ici, chaque jour de leur vie, il revient aux filles de chauffer l'eau et de faire la cuisine pour la communauté tout entière. Ainsi la journée qui commence pour cette jeune fille est-elle déjà très écrite et laisse peu de place aux surprises et à l'improvisation. Il y a bien longtemps que dans sa tête, il n'y a plus d'enfance. Alors ces quelques instants de repos dans la cuisine enfumée, lui permettent de s'évader par la pensée vers un avenir proche, où elle pourrait enfin ressembler aux jeunes femmes de son âge, aperçues sur les images de la télévision. Ici, c'est ainsi et ce n'est pas triste.

Là-bas, la mère essentiellement, aidée d'un père si tout va bien, a organisé le temps et l'espace de ses enfants, afin que rien des dangers de la vie qui commence pour eux ne puisse les atteindre. Tout est fait pour leur ménager une certaine insouciance, si possible. Mais la télévision, ici aussi, dépasse dans ses messages inconscients, le silence volontaire des parents attentifs. Le jour viendra pourtant où il faudra quitter ce refuge douillet et aller affronter les réalités de la vie étudiante. Longtemps encore, le plus longtemps possible, à choisir on verse vers l'enfance. Ici la joie se montre, les peines aussi et ce n'est pas triste non plus.


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